Je m’sens si laide ce soir, si laide, je ne suis pas une belle fille et je ne l’ai jamais été même pas un peu un moment jamais
F. n’a jamais voulu de moi non plus et ne voudra jamais de moi je suis une femme froide une femme frigide une femme de congélateur je ne touche rien et mes doigts sont bleus je suis maigre et laide
les gens qui ne s’aiment pas et qui n’aiment pas l’amour n’attirent que les gens qui ne s’aiment pas et qui n’aiment pas l’amour et c’est cette affection frelatée qui se partage
mais ce qui se partageait ce soir entre F. et C. était doux comme un nid de rouge-gorges et les flocons étaient des confettis et je voyais infrarouge à travers leurs corps une chaleur irradiait prenante levait vers le plafond pendant qu’un frisson me traversait j’ai pensé à S. qui se croyait seule et triste un moment je savais que je n’étais pas mieux qu’elle même si sa désespérance m’écoeure me pue au nez moi aussi j’ai mal moi aussi je saigne du dedans mais je ferme ma gueule je vais pas pleurer partout sur les murs j’implose en moi je referme le sac et puis c’est tout.
* * *
En relisant ces vieilles lettres les émotions m’avalent encore, ce sont des blessures qui existent toujours, qui n’ont pas produit de galles, la peau demeure à l’état de la brûlure, même dix ans plus tard. Je n’imagine pas qu’un jour la douleur sera différente. J’apprends en vieillissant que certains maux ne partiront pas, comme un prix à payer en échange de l’amour vrai. Mais j’ai dilapidé toutes mes économies, et mes poches ne recèlent aujourd’hui que de la fatigue.
Avoir des idées mauves.